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« À cœur vaillant rien d'impossible » proverbe français


La violence éducative ordinaire: Interview Olivier Maurel

Cette rubrique contient l’interview d’Olivier Maurel. Elle comporte une définition de la violence éducative ordinaire, considérée comme banale, ainsi que de ses conséquences sur le plan individuel, familial et sociétal.
Mais avant je souhaite présenter Olivier Maurel à travers ses ouvrages et son engagement auprès des enfants.
Olivier Maurel, agrégé de lettre, a fait de la violence éducative ordinaire sa bataille fondamentale.
De par son parcours familial et social pendant la guerre, Olivier Maurel s’est toujours posé la question sur le goût prononcé des humains à s’entretuer.
Cherchant en vain la réponse à travers la religion et la psychanalyse, ce n’est qu’à la lecture des ouvrages d’Alice Miller qu’il trouva enfin une réponse satisfaisante à l’origine de ces violences.
Sur mon site, une rubrique sera consacrée à cette femme formidable : Alice Miller.
Olivier Maurel a fondé une association OVEO (l’observatoire de la violence éducative ordinaire)
Et a écrit plusieurs ouvrages et articles portant sur ce sujet :
- La Fessée: Questions sur la violence éducative, préface par Alice Miller
- Œdipe et Laïos : Dialogue sur l'origine de la violence
- Oui, la nature humaine est bonne !
Comment la violence éducative la pervertit depuis des millénaires
- UN FAIT CURIEUX (A l'attention des partisans de la non-violence)
- LETTRE À UN RABBIN SUR LA VIOLENCE ÉDUCATIVE
- UN SI FRAGILE VERNIS D'HUMANITÉ : BANALITÉ DU MAL, BANALITÉ DU BIEN de Michel Terestchenko
- VIOLENCE ÉDUCATIVE ET COMMUNICATION
- UN MYTHE TENACE : LA RAPIDITÉ DE L'ACTION VIOLENTE
- CES DEUX TIERS DE L'HUMANITÉ QUI BRUTALISENT L'AUTRE...
- UN VIATIQUE POUR LE TROISIÈME MILLÉNAIRE
- COMMENT LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE BULGARIE FUT SAUVÉE DU GÉNOCIDE
Un exemple d'action non-violente réussie injustement ignoré.
- ROMPRE AVEC LA VIOLENCE ÉDUCATIVE
- VIOLENCE ÉDUCATIVE ET EGLISE CATHOLIQUE
- LA VIOLENCE ÉDUCATIVE
- LA NON-VIOLENCE ACTIVE
- DÉCLARONS LA PAIX AUX ENFANTS
L'éducation sans violence, condition du développement de la non-violence
- APERÇU D'UN MONDE SANS VIOLENCE ÉDUCATIVE
Cette liste est extraite du site internet :
Actuellement Olivier Maurel a un livre en édition et un deuxième en cours d’écriture.
Laissons place à l’interview (bonne lecture) :
Bonjour Olivier Maurel merci d’accepter de vous interviewer et de répondre à mes questions.
Stéphany : Dans votre livre «Oui, la nature humaine est bonne! Comment la violence éducative ordinaire la pervertit depuis des millénaires », vous mettez en garde les lecteurs sur les conséquences de l'éducation classique sur le devenir de l’être humain.
Comment définissez-vous la violence éducative ordinaire ?
Olivier Maurel : Dans la formule "violence éducative ordinaire", l'adjectif "ordinaire" pourrait être remplacé par tolérée. Il s'agit des formes de violences, de punitions ou d'humiliations qu'on trouve en général normales et éducatives dans l'entourage de ceux qui les pratiquent. Le niveau de ces violences peut beaucoup varier selon les milieux et les sociétés.
En France, aujourd'hui, on considère en général que les parents ont le droit de donner des gifles et des fessées. Mais les coups de bâton et de fouet qui étaient très bien admis jusqu'au XIXe siècle environ, sont considérés aujourd'hui comme des formes de maltraitance, alors que dans beaucoup d'autres pays, ils sont encore d'usage courant.
31 pays ont interdit toute forme de violence, y compris les plus apparemment anodines comme donner une tape.
Stéphany : Olivier Maurel dans votre livre « oui, la nature humaine est bonne, comment la violence éducative la perverti », vous parlez des conséquences de la violence éducative ordinaire. Vous développez votre réflexion dans 3 domaines : les violences sur soi, les violences sur les relations avec autrui et les violences collectives et politiques.
J’ai une question sur chacun de ces domaines.
Voici ma question : pour le premier domaine, vous dites : « vulnérabilité aux maladies », « vulnérabilité aux abus sexuels et la violences conjugales» « vulnérabilité aux accidents » (je suis étonné de cette réflexion). Vous développez également le point : « violence éducative et comportement à risque ». Si j’ai bien compris : cela veut dire que l’on retourne toujours la violence subie contre soi sous toutes ses formes ?
Olivier Maurel :C'est un des effets de la violence éducative. Mais la violence éducative, par le stress qu'elle provoque dérègle aussi le système immunitaire, d'où les maladies. Pour les accidents, on suppose qu'elle perturbe les réactions dans les situations d'urgence où il faut répondre de façon adaptée. Les comportements à risques peuvent venir du fait qu'ayant perdu le goût du bonheur ordinaire par émoussement des sensations ou mépris de soi, on cherche des sensations fortes qui donnent l'impression d'exister, impression que l'on peut avoir perdue sous l'effet du mépris subi.
Stéphany : Passons au second domaine : les violences dans les relations avec autrui.
La violence subie s’exprime également sous la forme de « violences conjugales », de « violence sur ses propres enfants », de « violences sexuelles », et sous forme de « tendance à la délinquance, aux vandalismes et à la criminalité ». Durant des années cette violence s’est accumulée avec en parallèle une montée de plus en plus forte et insupportable de colère accumulée et non évacuée envers les créateurs de cette violence. Pourquoi, en reprenant vos termes, cet angle mort est laissé dans notre psychisme ? S’agit-il (comme vous dites) du syndrome de Stockholm ?
Olivier Maurel :Quand j'ai parlé du syndrome de Stockholm, c'était plutôt pour désigner le fait que les enfants restent attachés à leurs parents même si ceux-ci les maltraitent, de même que les otages s'attachent quelquefois à leurs ravisseurs parce qu'ils dépendent entièrement d'eux et de leur bon vouloir.
Et quand j'ai parlé d'un angle mort, c'était plutôt pour désigner le fait que, pour se protéger, l'enfant n'enregistre pas ou cherche inconsciemment à effacer les traces de la violence subie de la part des parents. Le souvenir de cette violence est trop douloureux, trop en contradiction avec l'attachement viscéral qu'il a pour eux.
La reproduction de la violence sur autrui est à mon avis à la fois un phénomène de mimétisme par rapport à la violence des parents et une façon d'évacuer la colère rentrée qu'on n'a pas pu exprimer contre ses parents.
Stéphany : Le dernier domaine : les violences collectives et politiques.
C’est une violence organisée en groupe : génocide, guerre etc. Vous avez écrit dans votre livre cité ci-dessus « le châtiment corporels engendre un besoin de violence, de pouvoir et de soumission » et « on croit servir » une noble cause mais en réalité on résout « une tension psychologique personnelle». En lisant ce paragraphe sur la violence collective, je ne puis m’empêcher de penser aux oppressions de classes. En effet, je définis les oppressions de classes par l’exploitation économiques d’un groupe de gens par un autre groupe. Il s’agit là de la confiscation de la valeur du travail d’un groupe par un autre. C’est un vol organisé. Les autres oppressions comme les origines ethniques, sexe etc… ne sont là que pour manipuler, diviser, affaiblir l’unité et l’opposition de ce groupe.
Dans toute l’histoire humaine, depuis la sédentarisation, nous voyons évoluer la disparition des classes dominantes et dominées pour réapparaitre sous une autre forme. Elle restructure la société mais l’idée initiale d’oppression d’un groupe sur un autre reste toujours le même.
Par exemple, après la sédentarisation, l’esclavagisme était le premier type de société de classe à faire son apparition. Il a disparu pour laisser apparaître les sociétés féodales (les nobles et les serfs). De même, ce type d’organisation de société s’écroula pour laisser place à notre société actuelle : le capitalisme.
Peut-on considérer ces réorganisations successives de la société au fil des siècles comme une mise en forme de la violence « moins visible » tirée directement de la violence éducative ordinaire ?
Olivier Maurel :Peut-être. Mais je verrais plutôt l'instauration et le maintien sous diverses formes de l'exploitation de l'homme par l'homme comme :
- le prolongement et la traduction dans les rapports entre adultes de la domination le plus souvent violente des adultes sur les enfants ; quand on a été dominé toute son enfance, on risque soit de garder une attitude de soumission, soit de chercher à dominer à son tour les autres.
- le résultat d'un déficit de sentiment d'être qui fait qu'on cherche à exister par le pouvoir et par l'avoir ;
- le résultat d'une insensibilisation à la souffrance des autres qui fait qu'on ne voit plus les injustices, qu'on n'éprouve plus de compassion pour le malheur des exploités ;
- le résultat du mépris qu'on a subi et qui fait que, méprisant les autres, on juge que s'ils sont misérables, c'est de leur faute, ils n'appartiennent pas à la "race des chefs", donc ils méritent leur sort.
Stéphany :Dans votre livre cité ci-dessus, vous faites état du regard des religieux, des philosophes et des psychanalystes sur l’enfant. Et il apparait clairement que l’humanité a trouvé son bouc-émissaire : les enfants !
Les enfants sont accusés de tous les maux :
- Ils sont porteurs du péché originel dans les religions chrétiennes,
- Porteurs d'un instinct animal chez nombre de philosophes,
- Désireux de parricide et d'inceste et porteurs d'une "pulsion de mort", pour Freud.
Aux yeux des accusateurs des enfants, ces tares sont telles que seules la religion, l’éducation et la culture leur permettraient de dépasser cette bestialité.
Pourquoi un tel acharnement ?
Olivier Maurel :Il est évidemment schématique d'expliquer cela en deux mots. Mais il faut penser que les enfants subissent dès le plus jeune âge des remontrances et des punitions physiques qui leur sont infligées par leurs parents qu'ils aiment et auxquels ils sont viscéralement attachés. Les parents, de bonne foi, leur expliquent qu'ils leur font cela pour leur bien parce que leur comportement est répréhensible. Les enfants sont donc persuadés d'avoir un mauvais comportement de nature. Et comme ils voient, dans les sociétés traditionnelles et patriarcales, que tous les enfants sont frappés, ils en déduisent que ce qui est vrai pour chacun d'entre eux est vrai pour tous : les enfants naissent mauvais, pensent-ils. Il faut les corriger pour qu'ils accèdent à la dignité des adultes.
Une fois que chacun a cet a priori dans la tête depuis son enfance, les religions, les philosophies, les théories anthropologiques le déclinent chacune à leur manière. Et l'on obtient la "folie" (dans les Proverbes de la Bible juive : "L'enfant porte la folie en lui, le fouet bien appliqué l'en délivre" Prov. 22, 15), le péché originel dogmatisé par saint Augustin ; la supposée bestialité négative de l'enfant et les "pulsions freudiennes".
Et personne ne s'aperçoit qu'en fait les enfants, comme tous les animaux sociaux, naissent avec les meilleures capacités innées pour devenir des membres parfaitement équilibrés et altruistes dans leur société, et que ce sont au contraire les "corrections" et les humiliations qu'on leur inflige "pour leur bien" qui détruisent en eux leurs dispositions relationnelles positives.
Stéphany : Pour le mot de la fin, avez-vous quelque chose à ajouter Olivier Maurel ?
Olivier Maurel : Pour arriver à sortir de ce cercle vicieux, il faut, je crois, se reconnecter, par-delà les accusations et les "corrections" que nous avons subies, à l'enfant totalement innocent que nous avons été à notre naissance et qui est toujours en nous. Si nécessaire, revoir sa vie en se faisant l'avocat de cet enfant, le considérer avec bienveillance. Et un des meilleurs moyens pour nous aider dans cette tâche est de lire les livres d'Alice Miller : C'est pour ton bien, La connaissance interdite et tous ceux qu'elle a écrits ensuite. La lecture d'Alice Miller est un voyage vers le meilleur de soi-même.
Stéphany :Olivier Maurel Vous avez actuellement un livre en édition et un autre en cours d’écriture. Pouvez-vous nous en parlez ?
Olivier Maurel : Le livre qui va être édité en juillet aux éditions L'Instant présent (http://www.editions-instant-present.com) s'intitule : La violence éducative, un trou noir dans les sciences humaines. Il montre que la violence éducative n'a pas seulement des conséquences sur la santé physique et mentale des individus qui la subissent et sur leur comportement, mais aussi sur la recherche scientifique dans le domaine des sciences humaines. L'étude de dix-sept ouvrages consacrés à la violence humaine en général, publiés autour de l'année 2008 permet de montrer que la plupart des auteurs, pourtant universitaires réputés et de haut niveau, non seulement n'ont pas vu les effets de la violence éducative, mais n'ont même pas mentionné cette forme de violence qui est pourtant quantitativement la plus répandue. Et la raison de cette cécité sélective est la violence éducative elle-même dont les chercheurs ont subi les conséquences sans s'en apercevoir.
Quant au livre auquel je travaille, il porte sur le rapport entre l'Eglise et la maltraitance. Alors que plusieurs paroles de l'Evangile ordonnent clairement de respecter les enfants (ce sont même les paroles les plus étonnantes des Evangiles), l'Eglise, plus exactement les Eglises, n'ont pas cessé jusqu'à aujourd'hui de préconiser de frapper les enfants. Et cela a eu des conséquences très profondes dans la doctrine de l'Eglise et, bien sûr, sur les enfants. Les personnes qui souhaitent être informées de la publication de ce livre qui devrait avoir lieu fin 2012 ou courant 2013 peuvent m'envoyer leur adresse d'e-mail (omaurel@wanadoo.fr).
Stéphany : Merci infiniment Olivier Maurel. J’ai hâte de lire ces deux derniers livres.